Tension-13
Format 130 X 79 cm
Impression couleur sur dibond
Après une quinzaine d’années pendant lesquelles il a pratiqué la peinture avec les outils et ressources traditionnels du peintre, Pascal Maestri a choisi d’élargir ses explorations esthétiques en s’intéressant à des ressources du quotidien ou encore à des matériaux industriels. Depuis sept ans, il développe un processus plastique lui permettant d’ouvrir son travail vers de nouveaux champs. Les premiers résultats de ces recherches sont exposés pour la première fois en 2014 et la série des Mécanotomies, initiée en 2017, est directement issue de cette nouvelle manière de concevoir l’objet-tableau.
La création de ces pièces fait appel à différentes étapes d’une production qui se veut plus directe, au contact immédiat de la matière. Si la recherche préparatoire repose d’abord sur le dessin, l’artiste passe très rapidement au volume en concevant d’abord la structure générale de la composition à l’aide d’une épaisse armature de fer qui, une fois mise en forme, est trempée dans la peinture. Le squelette de l‘œuvre est alors cousu sur une toile tramée puis complexifié par un réseau de lignes – des cordes de chanvre -, qui sont autant de tendons mis en tension et indiquant déjà les zones où se répartiront les masses.
Pascal Maestri vient ensuite habiller cette sculpture initiale de sacs en plastique, cousus les uns aux autres et connectés à la structure générale. L’ensemble est placé à l’horizontale, dans un cadre assez profond qui est le moule dans lequel l’artiste viendra faire couler la paraffine. Celle-ci, liquide et chaude, fait fondre le plastique de manière variable, en fonction de sa qualité, de sa densité, de son épaisseur, et vient sceller les éléments plastiques les uns aux autres. Ils demeurent ainsi figés dans une gangue translucide dont la limpidité est fluctuante.
Pour l’artiste, une totale transparence n’aurait pas de sens ; elle révèlerait immédiatement les différentes étapes du processus plastique et leur succession. Au contraire, l’œuvre garde secrets ou à demi dissimulés quelques-uns des éléments plastiques qui ne se trouvent pas au premier plan. L’étape finale consiste alors en l’ajout d’un dispositif de caisson lumineux, à l’arrière de l’œuvre, qui vient dessiner certaines ombres, certaines formes enfouies dans la paraffine et constituant, au propre comme au figuré, l’arrière-plan de la composition.
Sans le corps et la densité suggérés par la paraffine, Les Mécanotomies seraient des sculptures sans pesanteur, des objets sans contour. Comme pour souligner la précarité de l’œuvre, le matériau utilisé comme fixatif n’est pas pérenne : il pourrait fondre et mettre de nouveau à nu la fragilité de ces sculptures, prises dans la matière comme de précieux vestiges antédiluviens. L’aspect immatériel et aérien des pièces est d’ailleurs souligné par le rétro éclairage des compositions. Plus qu’un révélateur permettant une meilleure perception, il donne vie à une sorte de brouillard évanescent – appuyé par une quasi monochromie – dans lequel il est difficile de distinguer et d’identifier précisément les formes que l’on a sous les yeux.
Or, ces débris enchâssés dans des strates de paraffine, que l’artiste nous donne à voir dans de grandes installations, sont les stigmates de l’ère des hommes, caractérisée par un usage intensif du plastique. L’objectif de l’artiste n’est pas nécessairement de dénoncer le phénomène, mais plutôt de trouver du sens dans les rebuts disséminés dans notre environnement.
Réinterprétant à sa manière la naissance et l’histoire de la perspective et de l’illusionnisme hérités de la Renaissance, Pascal Maestri joue sur les principaux codes de la peinture traditionnelle. S’il crée bien des tableaux, le résultat final est obtenu en recourant à tous les moyens d’expression à sa disposition, à l’exception de la peinture. Expérimentant à partir de la matière et jouant sur le dialogue et la porosité entre différentes techniques, l’artiste développe en fait une nouvelle forme de dessin, un dessin dans l’espace qui aurait vocation à emprisonner un objet absent, comme s’il s’agissait en fait de sculpter des zones de vide.